Fraîchement débarqué à l’aéroport de Manille vers 16h30, je prends le premier taxi pour me rendre au terminal de bus Ohayami dans le quartier de Sampaloc, que j’atteins 40 minutes plus tard. Mon bus de nuit part à 22h à destination de Banaue et ses rizières en altitude, un des trésors que je suis venu chercher aux Philippines. En attendant, je me balade dans les alentours.




Le bus archi bondé ( 60 personnes dont 1/4 de touristes), nous quittons la capitale à l’heure pour une longue route sinueuse et fatigante, investie par des colonnes incessantes de poids-lourds. Peu après San José, nous prenons de l’altitude dans un paysage montagneux de jungle luxuriante.
A 6h du matin, et après 8h de trajet ponctuées de deux arrêts snacking (dans des stations-services, qui restent ouvertes toute la nuit), nous arrivons enfin à Banaue, une petite bourgade montagneuse de 20 000 âmes, nichée dans un théâtre de verdure luxuriante à 1500m d’altitude.



Je suis impatient de découvrir la 8e merveille du monde, estampillée Unesco, mais je vais d’abord essayer de trouver une chambre au Sanafe Lodge en attrapant le premier tricycle qui se présente à moi.

Je négocie une chambre single avec clim et eau chaude pour 600 php ( 12€ ) et je me précipite sur la grande terrasse boire une bière et apprécier ma première très belle vue des rizières en terrasse: c’est déjà magnifique!



Suzan, la patronne de l’hôtel est adorable et me trouve rapidement un tricycle et son conducteur Arnold avec qui je vais passer la journée entre Banaue et Hapao. Nous empruntons une très belle route de montagne qui serpente au milieu d’une forêt tropicale et des champs de rizières en terrasses d’un vert éblouissant à cette période de l’année ( la récolte est prévue en juin-juillet ).






A l’indication de la petite école primaire de Hapao, Arnold stationne son tricycle et me voilà parti à travers les rizières de la région de Hung Duan, pour ma première randonnée de 3h qui va me conduire à une source d’eau chaude naturelle. Je traverse une rain forest rafraîchissante ( il fait quand même 30° de bon matin ! ), et je m’engage tel un funambule sur les murets de pierres, pas très larges, qui soutiennent les terrasses de riz et qui les délimitent.










J’aperçois les ingénieux canaux d’irrigation, techniques séculaires des Ifuagos, qui captent l’eau de la rivière pour alimenter les paddies. Je crapahute à flanc de montagne et je suis saisi en permanence par la beauté grandiose de ces parcelles toutes vertes comme des terrains de golf. La balade est très agréable et j’atteins assez facilement les Hot Springs où je me délasserai un long moment, en faisant connaissance avec la population locale.




De retour à Banaue Town, nous empruntons la route panoramique qui remonte vers Bontoc, pour admirer les différents points de vue. Il y en a au moins 5 ou 6 les uns plus beaux que les autres. Ici, les rizières déploient leurs marches vertigineuses de géants vers le ciel et m’offrent un spectacle somptueux.



A Main View Point, je fais connaissance avec un vieil indien Ifugao en tenue traditionnelle qui me sollicite pour une photo… contre quelques pesos.

Je joue le jeu en pensant à ses ancêtres qui furent jadis des coupeurs de têtes sanguinaires…J’ai même l’impression d’avoir été téléporté au Guatemala où j’ai rencontré il y a quelques année déjà des indiens Mayas qui ressemblaient étrangement, trait pour trait, à leurs cousins philippins. Et d’ailleurs, les femmes Ifugaos confectionnent des couvertures et des étoffes très colorées identiques à celles que l’on peut trouver en Amérique Centrale. Comme quoi, la migration des peuples ne date pas d’aujourd’hui !

Le peuple Ifugao façonne ces rizières depuis plus de 2000 ans, mais il y a de moins en moins de fermiers disposés à perpétuer la tradition. Les jeunes ont tendance à s’exiler dans les grandes villes, attirés par les sirènes de la consommation et d’une vie meilleure. Le gouvernement philippin aurait pris des mesures pour les inciter à rester chez eux et préserver la culture du riz pour la transmettre de génération en génération.


Batad et la montagne sacrée des Ifugaos
Arnold revient me chercher ce matin et nous voilà partis à bord de son tricycle à destination du village pittoresque de Batad et de son trésor caché: les plus belles rizières en terrasses du monde, un paysage culturel vivant d’une beauté incomparable, où l’homme et l’environnement vivent en parfaite harmonie. La route aux mille collines traverse la cordillère tropicale immaculée de champs de riz plantés en altitude et sur des pentes raides.
A la jonction pour Batad, nous bifurquons à gauche pour gravir un col d’une dizaine de km jusqu’à Saddle Point. De là, je continue à pieds la descente vers le village et j’entame mon trekking de la journée dans la montagne et à travers les rizières qui se terminera dans le petit village de Banga An. Arnold y viendra me récupérer en fin d’après-midi.

Arrivé sur les hauteurs du village, à l’endroit où la plupart des guest-houses ont poussé comme des champignons, je dois m’acquitter auprès d’un petit bureau d’informations d’une taxe de 50 php qui sert à promouvoir l’héritage culturel du lieu…Déjà, la vue est somptueuse, et j’en ai le souffle coupé. J’aperçois en contrebas le minuscule village perché dans un canyon vertigineux et au creux d’un colossal amphithéâtre de rizières vertes fluo, d’une beauté à couper le souffle, qui tapissent les pentes abruptes des montagnes.


Ces terrasses d’altitude m’apparaissent comme des marches d’escaliers de géants qui viennent défier les étoiles. La montagne sacrée des Ifugaos me révèle enfin son secret. Elle est idolâtrée par cette communauté qui incarne une vieille culture tribale bien vivante.

Au point d’informations, de nombreux guides proposent leurs services, mais je préfère poursuivre mon chemin seul, en quête d’aventures et d’imprévus dans ce labyrinthe végétal. Je m’engage donc en direction des Waterfalls en zigzaguant à travers quelques habitations perchées et la jungle épaisse de la montagne. C’est pas toujours facile de garder le bon cap car le sentier est sinueux et pas vraiment balisé. Mais je croise toujours quelqu’un pour m’indiquer la bonne direction. Chemin faisant, je contourne le village dans le sens des aiguilles d’une montre jusqu’au View Point avant la grande descente vers les chutes.

Les rizières en terrasses qui épousent si harmonieusement les courbes des montagnes sur des pentes vertigineuses sont le fruit du savoir-faire de ces indiens endémiques. Un savoir-faire vieux de 2000 ans, transmis de génération en génération. C’est ça que je suis venu chercher aux Philippines : ce chef d’œuvre de la nature et de l’homme, qui a résisté aux sirènes de la modernisation.

Je renonce à la descente vers les chutes, peu engageante, pour privilégier celle qui file sur le village à travers les rizières. J’affectionne tout particulièrement le jeu du funambule sur les murets étroits (40 cm de large) qui soutiennent les terrasses cultivées. Je zigzague d’un champ de riz à un autre en essayant de trouver le bon chemin pour atteindre le village. C’est un véritable parcours labyrinthique.



Je finis par atteindre le village et m’invite chez l’habitant pour savourer une bière bien fraîche. Une femme avec ses deux enfants de 14 et 12 ans sont en train de battre le riz séché pour en récupérer le grain.

La dame m’explique qu’elle possède quelques parcelles et qu’elle produit juste pour les besoins de sa famille, sans jamais vendre un éventuel excédent à l’extérieur. L’unique récolte de l’année se fera en juin ou juillet. Elle espère que ses enfants perpétueront la tradition et deviendront également des fermiers du riz. Mais elle n’en est pas sûre tant ils sont tentés par une vie plus facile dans la « grande ville ». Je lui exprime mon espoir de ne pas voir disparaître un jour les “escaliers du ciel”.




Mais il est déjà midi, et je dois effectuer la remontée vers le point d’information pour démarrer la randonnée vers Banga An. Je n’ai pas compté les marches en pierre qui balisent le sentier mais je peux vous dire que mes mollets s’en souviennent…
La pente est vraiment raide et je traverse parfois des habitations où je trouve des gens avec qui discuter. Là encore, je suis récompensé au fil de l’ascension par des vues à couper le souffle sur cet amphithéâtre verdoyant. Je mange un morceaux rapidement au Rita’Inn ( terrasse panoramique exceptionnelle!) avant d’attaquer mon périple jusqu’à Banga An.


Le début du trek est indiqué par une petite pancarte en remontant sur Saddle Point, mais aucune balise pour la suite. Après avoir franchi deux petites passerelles au-dessus de la rivière en contrebas, il faut partir à gauche à flanc de montagne et c’est à peu près toujours tout droit, ou presque…

Le trek consiste à franchir les trois montagnes qui séparent les deux villages. Je confirme que ça monte et ça descend en permanence et que la balade est assez sportive. En revanche, je suis en immersion dans une jungle luxuriante à flanc de montagne, en profitant de vues permanentes à couper le souffler, à 1500m d’altitude.




2h30 plus tard, j’atteins enfin le minuscule village de Banga An où m’attend Arnord avec qui je sirote une bonne bière fraîche avant de revenir sur Banaue.
