Gorilles dans la brume de Bwindi

Blog Ouganda
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Après mon formidable séjour au Rwanda, j’ai passé la frontière en taxi pour me retrouver à Kisoro en Ouganda, la porte d’entrée du Bwindi Impenetrable National Park où je m’apprête à vivre l’expérience d’une vie.

Kisoro se résume à une artère principale où se concentrent toutes les activités économiques du coin. Je trouve facilement un petit hôtel sympa à deux pas de tout : le Mucha Bistrot and Guesthouse.

Je ne résiste pas à me fondre dans la population locale dans le petit marché local très animé et dans les petites ruelles improbables. Les gens sont adorables, et je me sens déjà super bien en Ouganda 🙂

Aujourd’hui, c’est THE GREAT DAY ! Je vais réaliser un de mes rêves : pister et observer pour de vrai des gorilles de montagne. Et c’est dans la forêt impénétrable de Bwindi, au départ de Rushaga gate, que je pars vivre ce matin cette fantastique aventure.

Au petit matin, je quitte le Mucha Bistrot à 6h pour me rendre directement au village de Rushaga où le briefing obligatoire de l’UWA (Uganda Wildlife Authority) est à 8h pétante. Pour info, j’ai acheté mon permis « gorilles » au bureau UWA de Kisoro deux jours plus tôt.

Malgré la petite distance à parcourir (32km), le trajet dure quand même 1h30 car la piste caillouteuse en lacets est en très mauvais état (massages africains garantis !!!). Nous traversons des paysages somptueux de collines vertes à plus de 2000 mètres d’altitude. Au lever du soleil, nous pénétrons dans le parc national de Bwindi. Quelques minutes plus tard, nous arrivons au Rushaga gate.

Durant le briefing, je constate avec plaisir que nous sommes seulement huit touristes à tenter l’aventure aujourd’hui, divisés en deux groupes de quatre personnes.

Après les recommandations d’usage, nous voilà partis sur les traces du groupe Nshongi, composé de 21 gorilles dont 3 dos argentés. Nous sommes accompagnés par trois Rangers armés de carabines qui ouvrent la voie à travers la forêt, en assurant notre protection (il est vrai que la frontière congolaise est toute proche et que cette zone reste sensible), et par un guide armé d’une machette connecté à trois pisteurs chargés de localiser les gorilles.

Dès le départ du « tracking« , nous croisons un éléphant de montagne bien matinal, qui fait craquer les branches à quelques mètres du groupe. Ses défenses sont magnifiques !

Nous nous enfonçons dans la forêt qui s’empare progressivement de tous nos sens : les senteurs multiples, la chaleur humide, les bruits suspects, la profusion de couleurs, les arbres très hauts (mohamangas) et les fougères géantes…

Classée au patrimoine mondial de l’Unesco en 1994 et vieille de plus de 25000 ans, la « rainforest » de Bwindi n’est pas seulement le refuge des grands primates. Elle constitue également l’une des plus grandes réserves de biodiversité au monde. Elle abrite notamment plus de 160 espèces d’arbres, 360 espèces d’oiseaux, 50 espèces de reptiles et 200 espèces de papillons dont plusieurs sont endémiques de la région de la vallée du Rift. Du côté des mammifères, on recense quelques 120 espèces dont 11 de primates et 6 d’antilopes. On y trouve des espèces protégées : le chimpanzé, l’éléphant de forêt, et surtout le gorille des montagnes dont Bwindi héberge la moitié de la population mondiale.

Sur une population mondiale estimée à 720 gorilles, l’Ouganda en abrite environ 340, les autres étant répartis dans les parcs voisins des Volcans au Rwanda et des Virunga en RDC. 

Et puis, après 4 bonnes heures de marche, les pisteurs localisent enfin les gorilles. La traque commence véritablement et nous devons nous adapter au rythme effréné des guides-rangers qui nous font sortir des sentiers battus pour escalader une butte très pentue et très glissante, les chaussures s’enfonçant dans la boue, avant de redescendre dans un grand trou vert enseveli sous des fougères géantes. Malgré nos difficultés à progresser, cette forêt n’est pas réputée impénétrable pour rien, j’aime cette immersion totale dans cette nature préservée.

A un moment donné, des masses sombres s’insinuent dans la jungle épaisse, les gorilles sont proches…J’en aperçois un perché dans un arbre et un autre au sol, planqué derrière la verdure. J’exulte.

Nous les suivons à la trace, non sans mal car ils se déplacent super vite et c’est loin d’être évident de les tracer. Et puis soudainement, toute une famille de gorilles passe à quelques mètres de nous, sortie de nulle part, sans vraiment faire attention aux intrus que nous sommes sur leur territoire. Ils n’ont pas l’air farouche et semblent accepter notre présence.

Soudain, le gros silverback fait son apparition et vient se poster à 2 mètres de moi. Je retiens mon souffle car il est super impressionnant le bougre, et c’est visiblement le chef du clan !

A partir de cet instant, toute la troupe semble s’immobiliser pour manger les fruits dans les écorces des arbres, tantôt au sol, tantôt là-haut sur les branches. Ce n’est pas si simple de les prendre en photo dans cette forêt enveloppante et si sombre. Il se trouve toujours une feuille ou une branche pour contrarier le photographe amateur que je suis !

L’observation de ces grands singes (les plus gros de la planète) est un grand moment d’émotion. Leurs regards, leurs expressions faciales et leurs comportements me rappellent sans cesse à quel point ils sont proches de nous. En effet, le gorille est, après le chimpanzé, l’animal génétiquement le plus proche de l’homme  avec 97% de gènes partagés. En général, il vit en groupes d’une dizaine à une trentaine d’individus, qui incluent un mâle dominant et trois ou quatre femelles et plusieurs petits, du bébé à l’adolescent. Les jeunes gorilles acquièrent vers 12 ans des poils blancs dans le bas du dos, signe de leur maturité, sexuelle notamment, d’où leur nom de dos argenté. Ils prennent alors en charge la protection du groupe.

Le gorille des montagnes est le seigneur de la forêt équatoriale. Il est encore menacé d’extinction, même si les retombées du tourisme participent indirectement à sa protection. Je peux constater qu’il s’agit d’un animal sociable qui passe la moitié de sa journée à manger des pousses de bambous et des fruits dans les écorces des arbres.

Nous sommes autorisés à rester 1h30 max au plus près de cette paisible famille de gorilles, et il est déjà temps de les quitter. Je suis conscient d’avoir vécu un moment unique et je rebrousse chemin dans l’ivresse de cette belle rencontre.

Après 7h30 de « tracking » (aller et retour) et plus de 13 km parcourus dans la forêt, je vais me détendre au Nshongi Camp où je passerai la nuit. Un havre de paix immergé dans la forêt, à deux pas de Rushaga gate.

Ce petit lodge authentique est investi par des bestioles joueuses…

Le dîner auprès du feu fut juste un pur moment de bonheur, avec des gorilles plein la tête.

Le lendemain matin, je quitte avec regrets le village de Rushaga et le Nshongi Camp pour rejoindre les bords du lac Bunyonyi (54 km et 2h de trajet), certainement l’un des plus beaux d’Afrique !

La piste de petite montagne, sinueuse et caillouteuse, est si étroite qu’elle ressemble par endroit à un sentier à peine élargi. Elle forme des lacets orange vif qui transpercent mille collines vertes cultivées en terrasses (haricots et légumes divers). Elle nous donne à contempler des paysages merveilleux.

Ses détours pleins de fondrières nous imposent d’avancer avec une telle lenteur que le temps semble s’être arrêté. On n’y croise aucune voiture, de telle sorte que j’éprouve peu à peu le sentiment de posséder pour moi seul un merveilleux fragment d’éternité.

A la jonction du village de Muko, la route devient asphaltée et il reste une heure pour atteindre Rutinda, au bord du lac Bunyonyi, à deux pas de la ville de Kabale. Par temps clair, on peut apercevoir les volcans Muhavura(4127m) et Sabinyo(3634m), appartenant à la chaîne des Virunga qui marque la frontière avec le Rwanda et la RDC.

A l’embarcadère de Rutinda, une pirogue m’attend pour pagayer jusqu’à l’île d’Itambira (45 minutes quand même !), où se trouve le Byoona Amagara Lodge.

Le Byoona Amagara Lodge est un véritable éden écologique. J’ai particulièrement aimé le « géodôme« , entièrement ouvert sur la nature du lac.

Mon premier dîner sur la terrasse fut juste un pur moment de bonheur à la tombée de la nuit. J’ai saisi l’occasion d’apprécier la spécialité du coin : le « crayfish« , les petites écrevisses du lac.

J’ai passé trois jours à randonner dans la nature, d’une île à une autre, au milieu des papyrus et d’une pléthore d’oiseaux endémiques. Et puis, je me suis connecté à la population locale si attachante, sur les chemins de traverse.

Le lac Bunyonyi est remarquable pour l’irrégularité de ses rives sinueuses à près de 2000 mètres d’altitude et la beauté naturelle de ses couleurs changeantes au fil de la journée. Il est serti dans un écrin de collines vertes sculptées par des cultures en terrasses, et il abrite 29 îles qui dodelinent à la surface de l’eau.

Décidemment, l’Ouganda, ce petit pays niché au cœur de l’Afrique des Grands Lacs est juste extraordinaire. De ma rencontre avec les gorilles de Bwindi à la découverte du lac Bunyonyi, je vis des sensations fortes en permanence. Et ce n’est pas fini ! Nous avons rendez-vous demain matin avec Paul, notre chauffeur-guide, pour démarrer un road-trip de 9 jours sur les pistes sinueuses de l’ouest ougandais avec de nombreux safaris au programme.